AOP viticoles : un nouveau dispositif pour innover dans les cahiers des charges
Le 07/02/23
Face aux défis du changement climatique et des évolutions des attentes sociétales, la filière viticole fait de l’innovation technique un des éléments clefs de sa capacité de résilience. Pour concrétiser ce principe, le CNAOV a introduit, le 7 février 2023, le dispositif d’évaluation des innovations (DEI). Objectif : donner les moyens d’expérimenter les innovations sans perdre le bénéfice des appellations, dans un cadre défini garantissant notamment le respect des fondamentaux.
« Innover pour rester », tel est notamment un des axes forts de la stratégie d’adaptation au changement climatique dont s’est dotée la filière viticole. Cette orientation questionne les procédures en place au sein de l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) : l’évolution des cahiers des charges se doit ainsi d’être plus réactive pour affronter les évolutions climatiques et intégrer les attentes sociétales, sans pour autant renier les fondamentaux des appellations.
Suite à ces constats, l’INAO a donc entrepris une révision de ses procédures et développé des outils à disposition des organisations de défense et de gestion (ODG). Ainsi, en 2021, le Comité national des Appellations d’origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées, et des boissons spiritueuses (CNAOV) a-t-il validé une directive dite VIFA (variétés d’adaptation à fin d’adaptation), permettant aux ODG qui le souhaitaient d’introduire, à échelle restreinte, dans leurs cahiers des charges la possibilité d’essayer, moyennant un suivi précis, des cépages résistants aux maladies ou adaptés aux évolutions climatiques. Une vingtaine de cahiers des charges ont mobilisé à ce jour cette option.
Le Comité national des Appellations d’origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées, et des boissons spiritueuses (CNAOV), sur proposition du groupe de travail « scientifique, technique et innovations », constitué de membres du comité national et présidé par Bernard Angelras, a ce mardi 7 Février, franchi une nouvelle étape. Il a en effet approuvé la possibilité d’étendre ces démarches aux pratiques culturales ou œnologiques, dans des proportions et un cadre bien définis, respectueux des principes des appellations, notamment le lien au terroir.
Ces orientations politiques seront ensuite traduites dans une directive qui devrait être validée lors du Comité national du mois de juin 2023, après avis des comités régionaux (CRINAO).
Ces conclusions introduisent ainsi la possibilité de mettre en place, à l’échelle de chaque appellation, un dispositif d’évaluation des innovations (DEI). Il est ainsi envisageable d’introduire à des fins de tests, dans les cahiers des charges des appellations, à petite échelle et pour une durée donnée, des conditions de productions innovantes, pratiques culturales ou œnologiques, dans le cadre d’un protocole de suivi adapté.
Ce dispositif constitue une opportunité pour ramener l’innovation dans les appellations et rendre l’ODG et les opérateurs acteurs de la mise en œuvre des stratégies d’adaptation aux changements climatiques et d’atténuation de ses effets ainsi qu’à la transition écologique. Le bilan de ces évaluations ainsi qu’une analyse de l’appropriation de ces pratiques à l’échelle de l’appellation permettra à l’issue d’une période définie dans le protocole, soit d’intégrer la pratique de façon pleine et entière, soit de l’encadrer, soit de la rejeter.
Il est également prévu de multiplier et de diversifier le recours aux expertises scientifiques afin de pouvoir suivre l’adaptation de ces pratiques aux enjeux climatiques ou écologiques mais aussi d’évaluer leurs impacts sur les caractéristiques des produits et leur lien au terroir.
« Avec ce dispositif, l’INAO donne des outils aux ODG pour s’inscrire dans la viticulture du 21e siècle » a déclaré Bernard Angelras, président du groupe de travail « scientifique, technique et innovations » du CNAOV.
« Face aux attentes sociétales et à l’urgence climatique, les appellations d’origine doivent s’adapter sans perdre leurs fondamentaux » explique Christian Paly, président du CNAOV.
Certaines exigences du dispositif ont également été validées :
- Une accessibilité à tous les opérateurs
- Une limitation des quantités mises en œuvre et commercialisées
Dans la mesure où il s’agit d’une démarche d’évaluation, l’opérateur ne doit pouvoir mettre en œuvre l’innovation évaluée que sur des surfaces ou des volumes limités. Au regard de la diversité des conditions de production et de leur impact sur le produit, le principe de limitation relatif à l’innovation introduite, s’inspirant de ce qui a été mis en place pour les VIFA, est repris - 5% des surfaces mises en œuvre, hors zones de non traitements (ZNT) ou 10% des volumes après assemblage en vue de la mise à la consommation - mais son ampleur nécessitera une application au cas par cas à partir des spécificités de la condition à évaluer. En tout état de cause, les modalités précises de limitation des surfaces ou des volumes mis à la consommation seront indiquées dans le cahier des charges.
Suivi des innovations
Cette démarche étant réalisée par des opérateurs de l’appellation, son protocole de suivi doit être adapté et il convient que la définition du protocole, la collecte et le traitement des données ainsi que la réalisation du bilan de l’évaluation soient accompagnés par un organisme habilité à conduire des expérimentations, désigné par l’ODG.
Engagement de l’opérateur
L’opérateur volontaire pour participer à cette expertise collective doit s’engager à effectuer les observations, mesures et prélèvements définis par le protocole. Pour cela, il signe une convention avec l’ODG et l’INAO.
Clause de revoyure
Cette convention fixe notamment la durée de la période d’évaluation et la date de la clause de revoyure où le bilan de l’évaluation sera réalisé et présenté devant les instances de l’INAO. La durée de l’évaluation dépendra de la condition à évaluer.
Réversibilité
Cette convention prévoit également que l’opérateur accepte de se soumettre aux décisions des instances de l’INAO à l’issue de la période d’évaluation : la condition de production modifiée, si elle n’a pas donné satisfaction, pourra alors être abandonnée sur décision du Comité National et après avis de l’ODG. Ainsi le viticulteur si un retour à la condition initiale est décidé devra, soit faire évoluer ses pratiques ou son outil de production, soit ne plus revendiquer le bénéfice de l’AO.
D’ici le comité de juin, des exigences complémentaires devront par ailleurs être précisées, telles que le nombre maximal d’innovations pouvant être introduites, afin de garantir lisibilité et cohérence du cahier des charges.