Canard à foie gras : la protection du terme « Sud-Ouest » consacrée

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Le 15/09/23

L’INAO et l’Association pour la promotion et la défense des produits de palmipèdes à foie gras du Sud-Ouest (PALSO) ont obtenu gain de cause dans une procédure engagée depuis 2017 pour la protection de l’IGP « Canard à foie gras du Sud-Ouest (Chalosse, Gascogne, Gers, Landes, Périgord, Quercy) ». La décision de la Cour d’Appel de Paris du 8 septembre 2023 consacre la protection du nom d’une indication géographique, même en cas de reprise partielle de la dénomination.

Depuis 2014, la société Cité Gourmande commercialisait des produits surgelés à base de pommes de terre sous les dénominations « Frites du Sud-Ouest cuites dans la graisse de canard » et « Rissolées du Sud-Ouest cuisinées à la graisse de canard ». Les produits, fabriqués à base de graisse de canard, utilisaient la référence « Sud-Ouest » tout en présentant un visuel de gallinacé sur les emballages commercialisés.

Alerté en 2017, l’INAO et le PALSO sont intervenus auprès de l’opérateur afin de l’informer de la réglementation et lui demander de cesser ces utilisations. Les tentatives de règlements amiables ayant échouées, l’affaire a été portée devant les tribunaux. Dans sa décision du 13 août 2021, le tribunal judiciaire de Paris a considéré que les atteintes à l’IGP « Canard à foie gras du Sud-Ouest (Chalosse, Gascogne, Gers, Landes, Périgord, Quercy) » étaient constituées.

Des éléments problématiques dans la dénomination et le conditionnement des produits incriminés

Le Tribunal Judiciaire de Paris a fait droit à l’argumentaire de l’INAO et du PALSO. Il a notamment jugé que :

  • Les produits relevant du cahier des charges de l’IGP et la graisse de canard doivent être considérés comme comparables. L’usage des termes « Sud-Ouest » en lien avec de la graisse de canard pour des produits non éligibles à l’IGP lui porte donc atteinte.
  • L’agencement des éléments constituant l’emballage des produits en cause est susceptible d’amener le consommateur à établir un lien avec l’IGP et à supposer que la graisse de canard utilisé provient du sud-ouest :
    • La mention « du Sud-Ouest », reliée grammaticalement aux pommes de terre, est immédiatement suivie de « cuites à la graisse de canard » ou « cuisinée à la graisse de canard »
    • Un dessin représente un canard
    • L’emballage fait référence de manière récurrente au « terroir », impliquant un savoir-faire traditionnel.
  • D’un point de vue phonétique et visuel, les dénominations litigieuses présentent des liens étroits avec celle de l’IGP concernée. Ainsi, même si les termes de l’IGP ne sont que partiellement repris et que les mots « foie gras » en sont absent, une association est induite dans l’esprit du consommateur. Les éléments essentiels de l’IGP « Canard à foie gras du Sud-Ouest (Chalosse, Gascogne, Gers, Landes, Périgord, Quercy) » étant « canard » et « Sud-Ouest ».

La confirmation en appel conforte la protection des SIQO

Le 8 septembre 2023, la Cour d’Appel de Paris a confirmé dans toutes ses dispositions la décision de première instance, prenant notamment appui sur la décision de la Cour de justice de l’Union européenne du 17 décembre 2020 dans l’affaire Morbier.

  • La Cour a ainsi confirmé l’association visuelle créée par l’encart de présentation de la dénomination du produit, même si le terme « Sud-Ouest » est relié grammaticalement aux pommes de terre.
  • En se fondant sur la jurisprudence européenne (affaire Aceto Balsamico di Modena), elle a également relevé qu’il importe peu que seul le terme « Sud-Ouest » de l’IGP soit repris. La protection conférée par l’IGP couvre la dénomination ainsi que chacune de ses composantes, si le terme n’est pas générique ou commun.
  • Elle a considéré enfin que l’utilisation de l’indication « Sud-Ouest » associée à la graisse de canard servant à cuisiner le produit fini a pour effet d’induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit. Le produit litigieux profite ainsi indûment de la réputation des produits visés par l’IGP.

La Cour a conclu que ces actes constituent une atteinte à l’IGP, au sens de l’article 13-1 b) et d) du règlement européen 1151/2012. Elle montre ainsi que les dispositifs en matière de protection offertes par l’article 13 peuvent se cumuler. Cette décision confortera les actions de protection menée par l’INAO et les organismes de défense et de gestion derrière les produits sous signe officiel d’identification de la qualité et de l’origine.

À noter que la société Cité Gourmande peut décider de se pourvoir en cassation.

Visuel de couverture : Canard fermier des Landes ©Qualité Landes